«Laura cueille une touffe de fleurs d’alisier sans vraiment s’en rendre compte. Ça fait comme un petit essaim de guêpes jaune très pâle au bout de ses doigts. Sa vie est une longue absence de quelqu’un ou de quelque chose. Elle n’existe pas vraiment, ou plutôt, elle n’a jamais eu d’existence. Son journal intime fait plus usage d’abstractions que de choses réelles. Sa plus grande ambition est de ne plus jamais s’exiler hors des limites de ses bouts de doigts, de ne posséder que ce qu’elle peut toucher et tenir. Elle a besoin de mesures, pas d’infinis. Son métier d’artiste lui est d’un grand secours, plus que ses mots qui parlent parfois de choses réelles, mais plus souvent de choses qu’elle ne pourra jamais toucher avec ses mains, ni même voir "de ses yeux vu". Il lui faut un métier de mains pour espérer durer un petit peu plus longtemps que prévu.»
Pierre Rousseau, Les mains ravisseuses, 2002.
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