mercredi 10 septembre 2008

Histoire de voir - Tout à l’égout

Dans Les Misérables, Victor Hugo nous donne une image grandiose du lieu qu’il se plaît à nommer l’«intestin de Léviathan» : «L’égout, dans l’ancien Paris, est le rendez-vous de tous les épuisements et de tous les essais. L’économie politique y voit un détritus, la philosophie sociale y voit un résidu. [...] rien n’égalait l’horreur de cette vieille crypte exutoire, appareil digestif de Babylone, antre, fosse, gouffre percé de rues, taupinière titanique où l’esprit croit voir rôder à travers l’ombre, dans de l’ordure qui a été de la splendeur, cette énorme taupe aveugle, le passé. Ceci, nous le répétons, c’était l’égout d’Autrefois. [...]»


Selon l’auteur, tout se retrouve à l’égout: le cul de bouteille, le trognon de pomme, l’effigie du gros sou, le crachat de Caïphe, le vomissement de Falstaff, le louis d’or, un fœtus livide, une toque de juge, la jupe de Margoton...

Mais, il ajoute: «Aujourd’hui, l’égout est propre, froid, droit, correct. [...] L’égout actuel est un bel égout; le style pur y règne; le classique alexandrin rectiligne qui, chassé de la poésie, paraît s’être réfugié dans l’architecture, semble mêlé à toutes les pierres de cette longue voûte ténébreuse et blanchâtres [...] L’égout, c’est la conscience de la ville. Tout y converge, et s’y confronte. Dans ce lieu livide, il y a des ténèbres, mais il n’y a plus de secrets. Chaque chose a sa forme vraie, ou du moins sa forme définitive. Le tas d’ordures a cela pour lui qu’il n’est pas menteur.»

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