mercredi 16 juillet 2008

La littérature - Tes yeux et tes dents

«Elle a passé son enfance à sombrer dans la mélancolie. Puis, à quatorze ans, un venin en elle, cette maladie alors installée comme une sournoise sorcière. Elle supportait mal d’être regardé dans les yeux. Elle disait que si elle avait su ou si elle avait pu, elle aurait refusé de venir au monde sous certaines conditions. Un hiver, en regardant par la fenêtre, elle a murmuré : «C’est étrange! Aujourd’hui, la neige est noire!» Elle avait quinze ans. Elle conservait dans un petit coffret toutes ses dents de lait. Un soir, elle s’est étouffée : elle les avait mises dans sa bouche pour les rouler sur sa langue.»


Pierre Rousseau, L’œil du métis, 1997.

___________________________________________________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire