lundi 10 décembre 2007

Poésie - Dormir cul à cul

Dormir cul à cul, comme des siamois
Dans des draps blancs comme limbes
Tourner le dos à la misère de l'autre
Désirs noirs comme gorges de goélands
Immenses naufrages, pour longtemps empalé
Dans le dénouement de mes rêves mal foutus.


Dormir cul à cul, dans les troubles de mon corps
Énurésie tardive, maladie bénigne sur verge
Glaïeul sanguinaire, tout croche de tige
Tache rouge sur le damier de ma vie trop rigide
Folie, zigzag, quelques fois adroite démence
Aux chimères sans issues palpitantes, trop tard.


Dormir cul à cul, toi et moi voyageurs déphasés
À gauche de nos arrières, à droite de nos devants
Dans nos vies sans bas, ni hauts, stagnantes
Rêver de neige et d'abysses et perdre du sang
Comme toi la femme, maternelle doléance
Qui enfante mille fois l'espoir avorté.


Dormir cul à cul, yeux grands ouverts sur la nuit
Rater l'arrivée avant d'être partis
Fabriquer des œufs qui ne servent à rien
Fertilité saignante, passage à vide
Distiller la matière vivante, substance sacrée
Dans l'écartement rituel des inexistants.


Dormir cul à cul, toucher ton reflet
Dans la brillance des pierres des canaux
Joyaux sans teintes ni couleurs qui tanguent
Me trémousser à contre-courant du pressentiment
Puis pisser des chimères et autres mirages
Avant de dormir sous le couvert de la ruine.


Dormir cul à cul, m'appuyer sur tes assises molles
De la vie qui bat la sève ruisselante hors vaisseau
Chercher raisons et explications du manque
Huer les philosophes charcutiers de bon sens
Faire des reproches, mettre ton cœur en lamelles
Sans m'en rendre compte, pourtant génie natal.


Dormir cul à cul, oublier l'être ressemblant
Toi femme incorporelle qui ferme enfin paupières
Opaques portails, sans lucrative approche
Déchiffrer la manie de mon mal à persister
Pour faire souffrir l'innocente victime, proie sacrifiée
...
Tu sais, le Soleil se couche
...................................aussi
.........................................sur les abstractions.


Pierre Rousseau, 7 poèmes, «Les Saisons Littéraires», Guérin Éditeur, Semestre printemps/été 2000.
___________________________________________________

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire