mercredi 19 décembre 2007

Histoire de voir - La colère de Dieu

En ce mois de septembre, les boules de feu d’une grandeur assez considérable et de couleur rouge foncé, allant vers l’ouest, et qui déclinèrent vers la terre avant de disparaître à l’horizon, furent un funeste présage. Il était difficile d’assister, impuissant, à la mort envahissante et sournoise qui semait l’effroi dans les rues de la ville*. Des crieurs apostrophaient les citoyens sur les places publiques : « C’est le pénible devoir du Bureau de Santé d’annoncer au public l’apparition du Choléra Asiatique, en cette cité et les environs... »

LA COLÈRE DE DIEU

Ce choléra se répandit avec rapidité dans tous les quartiers, atteignant même les hommes les plus robustes. Après les spasmes et les crampes qui les convulsaient, les gens mouraient dans des souffrances extrêmes. Les corps n’étaient point gardés plus d’une nuit. Il n’y avait point d’offices religieux, mais parfois une cérémonie réduite. Les menuisiers ne fournissaient point à fabriquer les cercueils en bois brut. Les charrettes découvertes qui laissaient à la vue de tous les corps emmêlés passaient dans la ville, cueillaient les morts, transportaient les étrangers dans les tranchées communes et les citadins dans les cimetières de leur paroisse, si cela était possible. Mais les victimes étaient surtout enterrées sur le chemin Saint-Louis, au grand cimetière des cholériques. Il y eut même plusieurs décès parmi les insensés à l’Hôpital général tenu par les dames religieuses et situé à l’extrémité du faubourg Saint-Roch, tout près de chez moi.

Les Irlandais, toujours en dispute avec les Canadiens français, ne voulaient point être enterrés avec eux. Il fut donc décidé qu’ils seraient placés en avant et les Canadiens français en arrière…

* Québec


Pierre Rousseau, L’œil du métis, 1997.
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