J’ai, un jour, succombé à la tentation d’aphoriser. Quelques centaines et presque autant publiés («Les saisons littéraires», semestre automne-hiver 1998-1999, Guérin éditeur ; extrait de Hominidées, etc.) Ces brèves maximes ou sentences sont relativement faciles à trouver. En ce qui me concerne, un aphorismes sur cinquante, peut-être, a une certaine valeur. Avant tout personnelle. Comme les minéraux que je cueille lors de mes prospections : finalement, très peu seront dignes de figurer dans ma collection.
Mais il est un aphorisme dont je suis fier. Il y a quelques années, j’ai reçu un courriel d’une jeune fille dans lequel elle me remerciait d’avoir… sauvé la vie d’une amie. Elle me racontait qu’après avoir lu un de mes aphorismes (sur Internet), soudainement inquiète, elle était retournée voir une amie qu’elle avait peu à peu délaissée à cause de sa grande tristesse. Et qu’elle l’avait probablement empêché de se donner la mort, de se suicider. L’aphorisme dont il est question ici est : «La tristesse est la pointe de la détresse». «C’est une phrase somme toute banale, mais qui montre une réalité à laquelle on ne pense jamais», écrivait ma correspondante.
En pondant cet aphorisme, j’imaginais un iceberg dont seule une petite partie dépassait ; mais, dessous, bien cachée, une énorme détresse, telle une gueule immense. J’ai alors été frappé à la fois par son évidence et… sa profondeur.
Comme l’écrivait Cioran dans Syllogismes de l’amertume: «Ne cultivent l’aphorisme que ceux qui ont connu la peur au milieu des mots, cette peur de crouler avec tous les mots.» Je vois maintenant les aphorismes... d'un autre oeil.
___________________________________________________
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire